Le désamour parental
Haïr la chaire de sa chaire
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Sur un parc de jeu, dans la froidure des jours d’hiver, un trentenaire vêtu de bonnet, écharpe et épais manteau en cuir au col de fourrure, inlassablement pousse une balançoire le regard dans le vide. Deux enfants se chamaillent avec des bâtons en équilibre sur la rambarde, et leur mère, depuis un banc adjacent les chaperonne dans un tortillement métronomique et anxieux, exhalant consignes et avertissements, d’un ton s’élevant peu à peu tout comme la buée de ses invectives inutiles.
Rien de particulier, une scène banale du mercredi dans n’importe quelle ville de France et de Navarre. Qui penserait que dans les pensées de ces deux parents, ils souhaiteraient secrètement être ailleurs, n’importe où loin d’ici ? Peut-être qu’au cours de leurs longues nuits d’insomnie ont-ils souhaité ne jamais avoir eu d’enfants. Mais il faudrait un geste de fureur, lors d’une parole un peu trop haut placée, pour qu’ils avouassent, à leur corps défendant, entretenir parfois, pas de beaux sentiments pour leur progéniture.
Dans notre ère post-freudienne, où l’interprétation des rêves se vulgarise, où un lapsus et les actes manqués font plus que jamais sourire, s’il est une chose dont on ne parle que trop peu, c’est le sentiment d’ambivalence. Car les parents aussi peuvent nourrir de tels sentiments ambivalents.
Mère Vs Belle-mère
Pensez combien de contes de fées dépeignent des enfants chassés par leurs parents. Que ce soit de jeunes enfants dans Frérot et Sœurette ou Hansel et Gretel, quant aux adolescents leur sort est moins enviable, notamment dans Blanche Neige et dans Les trois langages – d’ailleurs les Grimm sont, envers leurs personnages, plus cléments qu’Alfonse Daudet ne l’a été –, c’est souvent la figure de la belle-mère qui recèle de sentiments hostiles à l’égard des enfants.
Freud souligne même, dans Névroses, psychose et perversion, cette opposition faite par certains auteurs entre « la gracieuse jeune fille, l’épouse aimante, la tendre mère » et les vielles marâtres « querelleuses, tracassières et ergoteuses » comme deux versants d’une seule et même entité qui se font alors face, à l’image de Blanche Neige et la sorcière ou Cendrillon et sa belle-mère.
Mais ces contes et comptines ne sont pas uniquement destinés aux enfants, la version du Chaperon rouge de Daudet contient quelques scènes salaces, ils sont aussi fait pour être lu par les adultes. Et, ce faisant, ils rassurent les parents. Il n’y a rien de nouveau à se sentir parfois d’humeur ombrageuse au lieu du continuel sentiment d’amour maternel éthéré comme on le voit à la télévision.
Il s’agit là d’un exemple d’ambivalence, soit la présence simultanée dans la relation à un même objet, de tendances, d’attitudes et de sentiments opposés, par excellence l’amour et la haine. Développée par la psychanalyse, cette idée nous est très désagréable car elle est en nous comme une vicieuse guerre civile. Et parfois, prendre conscience de nos impulsions destructrices entraîne un certain degré de dépression justifiée par la culpabilité.
Maman dès la première seconde
Toutefois, il arrive que des mères n’éprouvent pas, à la venue au monde de leur enfant, ce sentiment joyeux d’amour et d’unité, ce désir d’union que l’on croit caractéristique de cette acmé de la féminité tant valorisée dans notre culture. En 1993, Alan Baddeley démontre, sans surprise, que si l’on demande à une femme en plein travail si elle a mal, la réponse est affirmative. Accoucher est douloureux. En revanche, si l’on repose la question ultérieurement, on remarque que la perception rétrospective de la douleur est d’autant plus revue à la baisse que la jeune maman est entourée de ses proches. Plus elle reçoit de réconfort après l’effort, moins elle considère que la douleur d’alors était forte.
Mais combien est-il difficile pour une mère d'admettre cette ambivalence après avoir traversé cinq cycles de FIV, ou plusieurs années recalée par l’agence d'adoption. Cependant, si la part haineuse de l’ambivalence est niée, refusée, si cette hostilité naturelle est combattue, elle finira un jour ou l’autre par s’exprimer malgré soi, vers l'extérieur sous la forme d'une réelle violence, ou vers l'intérieur comme pour la dépression?
Pour la plupart des théoriciens, dont Edward Hagen, l’humeur dépressive du post-partum est un signal fort que la mère perçoit et qui l’informe qu'elle est en train de vivre une épreuve adaptative majeure, la poussant ainsi à construire un nouveau système décisionnel basé sur son nouveau statut parental et orienté vers ses congénères.
Les enfants nous obligent à nous confronter aux aspects infantiles de notre propre personnalité, des parties de nous-mêmes que nous aurions préféré garder refoulées, et il arrive que nous les détestions inconsciemment pour cela. Or, reconnaître ouvertement cette haine comme partie de son ambivalence propre, c’est être capable de contenir ses pulsions, c’est même être serein vis-à-vis de sa capacité à aimer.
Enfant issu d’un viol
Mais qu’en est-il si un consentement tendre au sein d’un couple n’est pas à l’origine d’une naissance ? Lorsqu’une femme subie un viol et qu’elle vient à enfanter, que penser alors de cette ambivalence qui tous nous scinde en deux, dans nos relations à l’Autre ? La haine l’emporte-t-elle ? Nous parlions plus haut qu’il ne faut pas la nier lorsqu’elle est ressentie, mais faut-il seulement en parler avec l’enfant, faut-il lui révéler les zones sombres de sa conception ?
Tous les thérapeutes ne sont pas d’accord sur la réponse. Mais s’il est une chose dont ils ne me tiendront pas rigueur, est qu’il ne faut pas le déclarer à l’enfant sans motif préalable, il ne faut pas lui jeter en pâture sans qu’il soit apte à avoir cette discussion. Car avouer de but en blanc prive l’enfant de la découverte et de l’apanage qui en suit, soit la réception et l’élaboration de cette information.
La mère peut d’abord peut-être en parler avec un analyste pour se familiariser avec son expérience douloureuse, traumatique, et pouvoir accueillir ensuite avec plus d’aise, autant que faire se peut, les questions qu’aura l’enfant tôt ou tard. Car s’il est un exercice où les enfants excellent c’est à se douter des choses. Alors, si la mère s’aperçoit que le comportement de son enfant amène à en parler, qu’elle sonde ce dont il se doute pour répondre peu à peu à ces questions qu’il se pose.
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