Psychanalyse du choix amoureux
Le soi à toutes les sauces
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Psychanalyse du choix amoureux
L’hypothalamus est un peu le palais de Matignon du système nerveux autonome. L’aile latérale gère le sommeil, l’avant de l’édifice, la régulation thermique. Le noyau dorso-médian s’occupe de la satiété et le noyau ventro-médian, gros ministère, est en charge de l’appétit et du sexe. Mais encore, ce minuscule organe, pas plus gros qu’une cacahuète, serait la cause des affres de l’amour. Le coupable qui ôte le sommeil au garçon amoureux, le criminel qui fait pleurer la jeune fille devant une glace vanille-noix de macadamia, l’infâme qui fait parfois mourir de chagrin.
Une volée de spadassins agit en son nom. Sécrétée par les neurones magnocellulaires, l’ocytocine, qui provoque les contractions de l’utérus lors de la parturition et l’éjection du lait lors de l’allaitement, confère aussi à la jeune maman sa tendresse. Avec sa consœur peptidique, la vasopressine, hormone antidiurétique, elles jouent un rôle dans les comportements affiliatifs, l’établissement du lien entre les individus, l’attachement quoi. Bonnie et Clyde du sentiment. A leurs côtés, citons pêle-mêle la lulibérine, la ghréline, la kisspeptine, autant de noms barbares sortis d’un kolkhoze, soumis à la dure loi du parti, pour soutenir la natalité.
Si l’amant aime la voix flûtée aux tendres octaves de sa belle, son sourire qui emprunte aux enfants leur inoffensivité, ou les reflets de miel de ses cheveux claircis par le soleil, c’est parce qu’il est nourri de ce brouet protéique. Mais le cœur a aussi ses raisons que la raison ne connaît point, comme le dit l’adage ou, « le système hypothalamo-limbique est doué d'une autonomie connexionnelle suffisante vis-à-vis du cortex pour que, sous la pression de stimulations sensorielles particulièrement fortes, le niveau de motivation monte, voire déclenche le passage à l'acte même si les résonances corticales disent non à l'acte en question ». Ne vous y trompez pas, l’amant est aussi le jouet d’autres processus.
Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse
Dans Contribution à la psychologie de la vie amoureuse, Freud fait un parallèle entre le lien amoureux et la toxicomanie, dans le rapport du buveur à son vin. Une comparaison souvent poétique mais qui, scientifiquement, amène à la même « satisfaction toxique ». Car, comme le disait déjà Platon, et comme le théorisera Lacan, le lien amoureux est marqué au coin de la souffrance puisque le désir n’est que l’expression d’un manque, total et permanent, et non d’un besoin. Si l’amour n’est pas une toxicomanie, la toxicomanie est telle une passion amoureuse.
Dans son absence, elle me manque, dans l’écart, elle me manque, dans l’étreinte, elle me manque, dans l’orgasme même, elle manque encore car nous ne sommes pas fusionnés. Voici la langueur de l’amant. Ainsi, le recours au toxique, au vin comme à d’autres artifices peut s’entendre comme une manière de se confondre avec un corps étranger. D’ailleurs, ce lien amoureux, à l’image du craving, connait aussi des états de dépendance sévère, des appels permanents à satisfaire cet Autre insatiable.
Sous le règne impérieux de l’amour, la personne se sent être modifiée en profondeur, façonnée de manière radicale. Cette création d’un autre Soi, la promesse de se retrouver de l’autre côté du miroir, est le plus puissant moteur de l’élan amoureux. Or, au cours de cette métamorphose se produit une dilution du Moi, une évaporation de son individuation, on s’en remet à l’autre pour nous servir de tuteur, avec la perspective réjouissance d’une issue où le Je deviendra enfin, grâce à l’Autre. Un processus qui ne cesse de durer, car le plaisir est attente, manœuvres de retardement. Comme le disait le tigre Clémenceau, « le meilleur moment de l'amour, c'est quand on monte l'escalier. »
Ce qu’on recherche, en soit, c’est l’autre
Une célèbre expérience demande à des sujets de se prononcer sur la nature agréable ou désagréable de l'odeur de T-shirts portés au long de plusieurs nuits. Les résultats montrent que ce sont les odeurs provenant de systèmes HLA (ou Complexe Majeur d’Histocompatibilité, en français) les plus éloignés du sien qui plaisent. Autrement dit, on recherche chez l’autre la complémentarité génétique du système immunitaire, ce qui est logique du point de vue évolutif. Plus on offre une palette immunitaire large à ses enfants, plus ils ont de chance de survivre.
Selon Lacan, « la régression organique chez l'homme de son odorat est pour beaucoup dans son accès à la dimension de l'autre. » Donc, le refoulement social de l'olfaction est un mécanisme facilitant la rencontre. A l’appui, des recherches sur des discriminations entre les odeurs montrent que l’on distingue sa propre odeur de celle des autres ou encore que des pères, des grand-mères ou des tantes discriminent l’odeur d’enfants membres de leur famille. On a aussi pu constater une aversion olfactive dans les couples père-fille et frère-sœur, ce qui donne au sens de l'odorat un rôle dans la lutte contre la consanguinité.
On peut alors considérer que deux êtres s’aiment parce qu’il y a toujours en l’autre une partie inconnue, et que l’amour se place justement dans cet espace vide et mystérieux qu’on souhaite à tout prix combler mais dont on ne sait comment. Aimer est avant tout devenir comme. Processus jamais figé, métamorphose en cours, « projet de récupération de mon être » comme le dit Sartre, le lien amoureux est donc une attente, mais de quoi ? Platon, avec son mythe des androgynes, tentait déjà de répondre.
Ce qu’on recherche, en l’autre, c’est soi
Une chose est sûre, rien n'attire l’attention que les informations transmises par un congénère, un proche. Ceux qui errent sur Facebook le savent. On a plus tendance à faire confiance un individu qui nous ressemble, qui rit des mêmes malices, qui aime les mêmes loisirs. Prémices de l’amour, la séduction est affaire de signaux, de gestes, d’œillades, une sémiologie riche, néanmoins fruit d’un apprentissage. Notre intérêt et réponse à ces signaux dépend de l’environnement dans lequel on a grandi, celui-ci nous conditionne.
La théorie freudienne répète sans cesse à quel point le désir incestueux est très fort en chacun de nous et qu’il est nécessaire d’imposer des tabous culturels pour l’empêcher. Or, d’après ce que nous venons de voir plus haut, il n’y a pas tant péril en la demeure car nous sommes attirés par la différence génétique, vers l’exogamie donc.
Toutefois, la fatalité est venue battre en brèche cette garantie. Comme le rapporte R. Littlewood, professeur d’anthropologie à l’University College de Londres, un nombre élevé d'incestes est recensé entre des enfants qui ont été séparé à la naissance, qui se retrouvent à l’âge adulte. Les psychologues ont alors forgé le concept d'attraction sexuelle génétique pour expliquer ce phénomène. A l'inverse, des enfants de familles différentes élevés ensemble ne se marient que très rarement. Cyrulnik indique même que les unions entre des adultes sans lien biologique, mais qui ont grandi dans un même kibboutz, sont très mal vues.
Au-delà des bases nucléiques de notre génome, le fait de retrouver un peu de soi en l’Autre est toujours rassurant, comme le laisse croire le mythe de Tirésias. Dans Le couple, sa vie, sa mort, G. Lemaire écrit : « Les caractéristiques personnelles du partenaire sont sélectionnées en vue de renforcer les mécanismes de défense destinés à barrer la route aux pulsions partielles. » On aurait donc tendance à choisir un conjoint qui nous maintiendrait dans notre fonctionnement psychique usuel.
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