Psychologie de l’humour du 1er avril
L'humour au Rabelais
5 min read
Psychologie de l’humour du 1er avril
Avant-hier se tenait donc le 1er avril. Il a toujours existé ce genre de fêtes où l’on se joue des tours, des farces, où l’on rigole entre nous, se moque les uns des autres, s’injurie parfois, voir se tape littéralement dessus. Peu ont survécu jusqu’à nos jours, souvent considérées comme des vestiges païens d’un autrefois plus brutal, ainsi le 1er avril en fait partie.
Passons sur le traumatisme que provoque la constatation d’avoir passé une journée entière avec un plastron ichtyen dans le dos et ne s’en apercevoir que le soir même. Posons-nous plutôt la question, qu’est-ce qui est objectivement drôle dans cette célébration que tout le monde s’accorde à trouver ringarde mais dont tant aiment à se laisser aller à la rigolade ?
Platon pensait que le rire n’était qu’une perte de contrôle indigne et Aristote ne voyait la comédie que comme "une imitation de personnes pires que la moyenne". Pour Cicéron, pourtant pas le dernier à donner dans la facétie, seule l'ironise raffinée parait digne si elle se met au service de la persuasion rhétorique. Hobbes appelle le rire un moment de "gloire soudaine" et Kant y consacre quelques paragraphes dans sa Critique du Jugement. Seul Henri Bergson lui accorde quelques lettres de noblesse. Mais nous n’en parlerons pas
Des taquineries infantiles…
Avant même qu'ils ne sachent parler ou marcher, les bébés rient. C’est une capacité qui apparait autour du quatrième mois. Darwin supposait déjà que cela servait une fonction communicative importante, raison pour laquelle elle avait été sélectionnée. On constate, en effet, que le rire, tout comme le jeu, active le centre cérébral de la récompense ce qui déverse des flots de dopamine dans le cerveau. Or, si le jeu est l’outil préféré des jeunes pour se lier à d’autres congénères, le rire est celui des adultes pour en faire autant.
La recherche montre que, dès six mois, un bébé peut interpréter un événement comme drôle tout seul, sans qu’il y ait un phénomène d’imitation de sa part. Si on lui montre des situations ordinaires et des itérations absurdes, non seulement il trouve les aberrations drôles, mais il les trouve drôles même lorsque ses parents restent neutres devant. On obtient les mêmes résultats avec des enfants de cinq mois.
Il faut donc, semble-t-il, compter sur deux caractéristiques pour détecter le caractère amusant d’un objet. Premièrement, l'humour nécessite une composante sociale, le rire est plus susceptible d'être motivé par les personnes en présence que par une émotion ressentie, selon les travaux des psychologues Robert Kraut et Robert Johnston de Cornell. La deuxième composante est cognitive, et elle implique un élément d’incongruité, comme dans l’exemple ci-dessus.
En outre, Vasu Reddy de l'Université de Portsmouth a constaté qu’à huit mois, les nourrissons peuvent utiliser un type d'humour spécifique, qu’elle appelle les taquineries dites de non-conformité provocatrice. Comme un enfant qui ne rend pas à ses parents les clés de voiture avec lesquelles il a été autorisé à jouer ou celui qui renverse une tour soigneusement construite par un camarade. La taquinerie est la tentative de l'enfant de provoquer, de façon ludique, une autre personne à interagir avec lui.
… aux blagues potaches de l’adulte
En 1905, Freud publie Le Mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, où il décrit les techniques de production, qui se rapprochent du travail du rêve, mais aussi les mécanismes du plaisir et les mobiles qui poussent à faire de l’esprit. Dans le chapitre des Tendances de l’esprit, l’auteur indique qu’il existe deux types de mots d’esprit, les tendancieux et les inoffensifs. Ces derniers sont vus comme une forme d’esprit pure, une simple félicité intellectuelle, dont la portée comique est moindre lorsqu’il s’agit de faire rire un auditoire. On s’extasie d’allégresse un instant et, comme le disait Hobbes, c’est un moment de gloire autant soudaine que momentanée.
En ce qui concerne le mot d’esprit tendancieux, celui-ci aussi se divise en deux sous-groupes : les mots d’esprit hostiles et les obscènes. Pour ce qui est des mots d’esprit obscènes, prenons la grivoiserie qui en est le meilleur portefaix. Elle est intrinsèque à bien des coteries masculines, et elle n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de faire preuve d’incongruité. Freud prend l’exemple d’une taverne où les allées et venues d’une serveuse ou l’entrée dans la pièce de la patronne, déclenche les boutades grivoises. En revanche, dans les cercles de la haute société, la grivoiserie n’apparaît que dès lors il n’y a plus de femme dans les parages.
C’est qu’il faut la voir comme une soupape, un préservatif à tout attentat sexuel. Freud l’explique ainsi : « Voici comment on peut décrire les choses : l'impulsion libidinale du premier, ne pouvant se satisfaire par la femme, se transforme en une tendance hostile à l'adresse de cette dernière et fait appel au tiers, qui était primitivement son trouble-fête, comme à un allié. Les paroles grivoises du premier livrent la femme sans voiles aux regards du tiers qui, en tant qu'auditeur, - puisqu'il peut satisfaire ainsi, à peu de frais, sa propre libido - se laisse volontiers séduire. »
Le plaisir procuré par l’esprit tendancieux tient donc à ce qu’il donne satisfaction à une tendance qui, sans lui, demeurerait insatisfaite. Ce tiers indispensable, celui à qui on raconte le mot d’esprit, tient un rôle de premier ordre dans cet esprit tendancieux qui nécessite trois personnes au minimum : l’amuseur, la victime au dépend de laquelle on rigole, et l’auditeur. Un système qui n’est pas sans rappeler celle connue sous le nom du triangle dramatique de Karpman.
Outre l’obscénité, il en va de la même explication pour les mots d’esprit hostiles, si on remplace les motions libidinales par de l’agressivité. Tout dépend de ce qui est socialement admit. C’est grâce au travail de la culture que cette violence ou cette lubricité trouve leur exutoire, moyennant un travail psychique plus conséquent, qui aboutit au mot d’esprit. Comme le disait Lichtenberg, l’invective vient en lieu et place d’une main pleine de doigts dans la figure. Mais plus encore que l’injure, il existe un échelon plus valorisé culturellement, la pique bien sentie qui peut être le tranchant du mot d’esprit.
Toutefois, Freud ne s’est intéressé à l’humour quand dans ses productions orales, des lapsus aux mots d’esprit, sans regard pour la farce, quand celle-ci n’est pas un acte manqué qui fait rire malgré lui. C’est pourtant dans le même esprit que se font les blagues du 1er avril, par-dessus se rajoute seulement une action, comme dans la cour de récréation quand nous étions enfants et que nous provoquions et embêtions de préférence l’élue de notre cœur juvénile.
Mais qui est l'exemple ?
Voici un exemple provenant d’un cacique du genre, un ponte à la verve madrée : Jacques Chirac, qui apporte un peu d’eau à notre moulin.
Alors que sa Majesté la reine d’Angleterre recevait le président de la République française, tous deux circulaient dans les rues de Londres à l’intérieur du carrosse royal, quand un des chevaux lâcha une trompe de flatulences qui résonna jusque dans l’habitacle. Sur ce, la reine, toute protocolaire, s’acquitta : « Veuillez accepter mes excuses. – Mais je vous en prie, répondit l’ancien président. Je pensais que c’était le cheval. »
Contacts
Adresse : 5, rue des Viollières, 69630 CHAPONOST
Adresse : 107, avenue de Verdun 69330 MEYZIEU
Tel : 06.31.37.15.51
Mail : stephane.monachon@gmail.com
Réseaux sociaux
- Horaires d'ouverture -
Chaponost :
Mardi : 9h - 20h30
Jeudi : 9h - 20h30
Vendredi : 9h - 20h30
Meyzieu :
Lundi : 9h - 20h30
Mercredi : 9h - 20h30
Samedi : 9h - 20h30